Science sans Conscience, Noa'h...
Bien que le monde ait été créé par D. qui a donné à l’homme la possibilité inhérente de reconnaître son Créateur ou de Le rejeter, la génération du déluge nous montre de façon frappante de quelle façon et avec quelle rapidité l’humanité a emprunté la voie de la négation du divin.
Nos Sages nous révèlent ce processus : alors que le verset souligne la valeur morale de Noa’h « un homme juste et intègre dans ses générations », les commentaires atténuent la portée de cette louange.
La précision : « … dans ses générations » est à interpréter dans un sens défavorable, comme une réserve à l’intégrité de Noé. Certes, il était « un juste » mais seulement dans sa génération. S’il avait vécu dans celle d’Abraham, Noa’h n’aurait pas joui de cette considération (Rachi sur le verset 9). Un Midrach nous rapporte, par ailleurs, que Noé faisait partie de ceux dont la foi était chancelante. Le Ketav Sofer, interprétant un autre Midrach, va plus loin et montre qu’il a causé la déchéance de la génération du Déluge. Devant les péchés de Ses créatures, D. dit : « … car Je regrette de les avoir faites. Et Noa’h…) (Béréchit 6, 4-5).
D’après le Midrach, D. dit : « Je regrette de les avoir
créées [ainsi que] Noa’h ». En effet, ce dernier a joué un rôle
déterminant dans l’histoire de l’humanité ; il a été l’inventeur de
l’instrument aratoire, de cette technique agraire qui allait permettre à
l’homme de transformer les données de la Nature. Désormais, vu les
améliorations constantes de cette technologie, l’être humain ne se contente
plus de recueillir humblement ce que D. lui offre. L’homme acquiert des moyens
d’action considérables qui mettent l’univers à sa portée.
Croyant ne plus avoir besoin de son Créateur, il finit par se sentir le Maître de la Nature et par rejeter D. de la sphère dans laquelle il évolue. Et lorsque D. est évincé, on assiste inévitablement à l’effondrement moral de l’humanité. La violence prévaut et régit les rapports entre les individus, et entre les nations. La malhonnêteté, le mensonge, le vol s’installent en maîtres. Le monde glisse insensiblement vers l’abîme, vers son autodestruction.
Ne reste-t-il pas la possibilité de
s’amender, de faire techouva ? D’opérer une prise de conscience et
un revirement moral salutaire ? Impossible ! L’homme est trop sûr de
lui : « Que peut nous faire ton prétendu D. ? » répondent
les hommes à Noa’h lorsqu’il leur annonce la catastrophe imminente : le
déluge. « Que peut-Il faire, empêcher la pluie de tomber ? Nous
possédons des pompes surpuissantes capables d’assurer, depuis les fleuves, nos
besoins en eau. Nous arroser de feu ? Nous possédons des combinaisons
ignifuges capables de résister aux températures les plus élevées. Ouvrir les
vannes du ciel pour provoquer un déluge ? Nous disposons de plaques de
métal résistant à n’importe quelle pression et des éponges géantes pour
absorber tout éventuel surplus d’eau ! » L’humanité, nous rapporte le
Midrach, forte de tels arguments, resta sourde aux exhortations de Noa’h
et courut inexorablement à sa perte.
Est-ce à dire que Noa’h soit responsable
du déluge parce qu’il a inventé l’instrument aratoire ? Pour assurer sa
pérennité l’homme aurait-il dû renoncer au progrès technologique ? Certes,
non ! Mais à condition de savoir que le progrès technique n’est pas, par
essence, facteur de progrès moral. La science, loin d’entraîner l’homme à
rejeter D., peut, s’il conserve son objectivité et son humilité vis-à-vis de
son Créateur, l’inciter à approfondir sa foi. La science deviendra alors une
source de Bénédiction.
Source : IMREI COHEN, Rav Guerchon zatsl